La conférence quadriennale de l’ICA a pour thème cette année : « Archives, harmonie et amitié ». Ce thème illustre bien l’état d’esprit coréen, qui se retrouve jusque dans la pratique archiviste.

Cadenas de Namsam ©Margot Georges (CC BY-NC-SA)

Cadenas de Namsam
©Margot Georges (CC BY-NC-SA)

L’harmonie et le peuple coréen

La Corée s’inscrit dans une longue tradition de conservation d’archives. Les membres de l’Académie des études coréennes nous en ont dressé un panorama instructif :

  • Une pratique ancienne de conciliation des évènements : les Uigwe

Les Uigwe sont les archives des protocoles royaux. Ce sont de petits manuscrits rédigés pour les évènements de cour de la dynastie Joseon décrivant ceux-ci avec de multiples détails. Utilisés au départ pour servir de référence pour l’organisation d’évènements similaires, ils deviennent petit à petit une pratique « d’archivage » du règne. Pour chaque évènement, deux Uigwe sont rédigés : l’un pour le roi et l’autre pour le dépôt national (cet exemplaire est ouvert à tous les citoyens). Les deux versions présentent des différences tant dans leur support (utilisation de chanvre et de fer pour l’exemplaire public, utilisation de papier, de soie et de cuivre pour celui du roi) que dans leur contenu (la version destinée au roi est souvent plus précise et plus ouvragée).

  • Une tradition forte : la possession de livre, manuscrits et archives

La tradition coréenne accorde une place importante à deux valeurs qui ont permis la constitution des collections actuelles des institutions patrimoniales de Corée : la conservation de livres et manuscrits et la culture du don. Le confucianisme, très implanté en Corée, accorde ainsi une place importante à la connaissance des ancêtres et à l’amélioration personnelle qui passent toutes les deux par la possession de livres. Les grandes familles ont donc mené une activité importante de collecte d’ouvrages et de manuscrits. Elles ont construit, au sein de leur lieu d’habitation, des bibliothèques qui servaient à la fois de salle de lecture, de lieu de réception et de lieu d’éducation notamment pour les enfants. La bibliothèque était d’ailleurs l’un des éléments de reconnaissance des grandes familles avec la possession d’esclaves et de terrains.

  • Rendre les archives disponibles : la numérisation

La culture du don se traduit également aujourd’hui dans la vitalité des projets de numérisation et de mise à disposition en ligne du patrimoine de Corée. La mise en ligne de documents s’accompagne de la création de bases de connaissances permettant la compréhension de ceux-ci. Par exemple :
– création de filtres de recherche thématiques (par date, par lieu, par dynastie, etc.)
– création de liens entre des écrits similaires au sein des textes (qui permettent par exemple de traduire plus précisément des termes d’ancien coréen)
– accumulation d’informations permettant de croiser des documents d’histoire économique et des documents d’histoire sociale
– accumulation d’informations sur les écritures et les signatures, avec par exemple la création d’une base de données répertoriant les différentes manières d’écrire un caractère suivant le lieu.

Harmonie des peuples à travers le monde : Nations Unies et Archives

John Hocking, sous-secrétaire général adjoint des Nations-Unis tenait la première keynote de cette conférence. Pour lui, les archives sont comme la réserve mondiale de Svalbard, la plus grande banque de semences au monde. Gérées comme des archives, ces semences sont une inspiration pour la paix dans le monde. Leur rôle premier est de pallier la disparition accidentelle d’une espèce, comme celui des archives est d’assurer le lien entre passé et futur. John Hocking invite donc les archivistes à sortir de la boîte et à parcourir le monde : « indépendamment du lieu et du temps, vos archives peuvent contenir la clef d’une situation », « en conservant le passé, on protège le présent et le futur ».

Les archives, en tant que traces de l’activité des hommes ont un rôle judiciaire. Elles peuvent servir à dénoncer et juger des crimes contre l’humanité (le jugement est facilité par un accès possible aux archives de la jurisprudence internationale) et à fixer la réalité historique dans le temps. Mais elles ont aussi un rôle pacifique de cohésion entre les peuples. Les archives du procès du génocide du Rwanda favorisent par exemple la réconciliation collective ou personnelle grâce à la lecture des témoignages de pardons des victimes ou d’excuses des accusés. Un deuxième exemple est celui des institutions de conservation d’archives australiennes qui travaillent actuellement à la reconstruction du passé des enfants volés aux aborigènes.

Les archives, en tant qu’héritage de l’humanité, font également l’objet de nombreuses coopérations. Le sauvetage des archives et manuscrits de Tombouctou organisé par Abdel Kader Haïdara qui a nécessité l’intervention de nombreuses personnes et l’enregistrement des archives de Singapour par les citoyens en sont deux exemples intéressants. Mais nous aurons l’occasion se revenir sur cette notion de collaboration.

Harmonie et réconciliation

La cohésion entre les peuples était également abordée sous un autre angle ce mardi. Evan Tucker, archiviste à l’université de Californie et chercheur à l’université de Chicago, présentait un projet de numérisation sur la communauté des chicanos (Mexicains-Américains). Le mouvement des Chicanos pour les droits civiques était très actif dans les années 1960 et s’est fait sévèrement réprimé. L’université de Californie a récemment entrepris de numériser leur journal, La Raza, entré par voie extraordinaire dans ses fonds. Elle entendait ainsi faire connaître l’histoire des Chicanos et donner une fonction plus sociale à ses archives.

La numérisation et l’indexation ont été menées en concertation avec des membres de la communauté des Chicanos. Une communication large en leur direction a également été assurée pour que ceux qui le souhaitent puissent taguer les photographies. Parallèlement, ce fonds sert de ressource pédagogique pour les enseignants, les archives remplissant ainsi leur rôle de transmission, entre les générations et les communautés.

Magalie Moysan et Margot Georges

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